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Là où la bataille

Avant d’avoir lieu, la bataille peut être comparée à un paysage que les officiers aguerris mettent en scène en y projetant leur stratégie en vue de l’assaut. Mais lors de l’engagement, là où la bataille fait rage, le paysage bien réglé disparaît derrière la fumée, le tumulte et souvent la panique. Après quoi, le paysage revient, mais décomposé sous le calme dont le recouvrent des tas de corps défaits.
Le tourisme des champs d’honneur est un phénomène précoce et suit scrupuleusement la cartographie militaire. Patrimonialisation et cérémonies reprennent le flambeau. De grands épisodes sont sacralisés, d’autres, moins glorieux, vite ensevelis. Des voies entières sont rebaptisées à l’échelle des régions qu’elles traversent. Des monuments sont érigés à même le sable, tandis que les commémorations confirment la conversion de la nature en paysage officiel, objet de mises en scène désormais mémorielle, et non plus guerrière. Désormais, des reconstitutions redonnent vie à nombre de ces épisodes de bravoure qui animent désormais notre mémoire.

Regard sur une œuvre

Champ de bataille de Custoza, Ben Turpin Studio, 2019

Les combats du 24 juin 1866 sur les collines au bas du lac de Garde, entre le royaume d’Italie et l’empire autrichien, ont été le baptême du feu de la jeune armée italienne.
Dans l’uniforme du 14e régiment d’infanterie de l’armée impériale des Habsbourg, le reconstituteur Riccardo De Vecchis, étudiant, avec la toile Après la bataille de Custoza, peinte en 1916 par Julius von Blaas.
Carlo Saletti

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Les mots d'Ahmed Kalouaz

La voie sacrée

    Derrière la vitre d’un bus me conduisant à Verdun, je vois défiler la Voie sacrée, les hameaux et les arbres ayant repris possession de la terre meurtrie. Dans les courbes douces qui cheminent à travers champs, des figures de bois et de tôle donnent de quoi imaginer ce temps fané, représentant ici un camion, plus loin, un poilu au pas alerte. Toute l’année 1916, pendant 300 jours et 300 nuits, une noria de véhicules, de matériel et d’hommes ont avancé tant bien que mal sur cette route empierrée à la hâte. Sur des panneaux indicateurs, j’essaye de deviner les noms qui sonnent encore aux mémoires. Route de l’Argonne, Douaumont, le fort de Vaux, la Côte du Poivre. Des bornes blanches et rouges surmontées d’un casque, parsèment le bas-côté, comme pour tenir le décompte des soldats passés par ici. Elles ne suffiront pas. 400 000 hommes ont été acheminés jusqu’au champ de bataille. 300 000 de part et d’autre n’en sont jamais revenus.
    Sur la route, au milieu de nulle part, apparaît le village de Souilly, lieu du quartier général de la 2ème armée commandée par Pétain. C’est un soir de juin doux, les yeux grand ouverts, j’ai humblement l’impression de rentrer dans l’Histoire. Au lieu-dit Moulin-Brûlé, sur un plateau à l’écart de la route, apparaît le mémorial de la Voie sacrée. C’était la porte du champ de bataille.
    En novembre 1916, commença à gronder le tonnerre.
    Quelques mois plus tard, qui s’en souvient, en avril 1917, commençait la bataille d’Arras. 20000 soldats britanniques sortant de terre à la carrière Wellington, pour prendre possession d’une terre hachée par les obus.

Extrait du recueil "Sous l'écorce des ans"

Photo : casques sacrés, Philippe Mesnard, 2014-2016

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