Avec le Lycée Amblard de Valence
Le 21 février 2024 à Valence, l’habituelle cérémonie en hommage aux membres du Groupe Manouchian fusillés par les nazis au Mont-Valérien en 1944, organisée par la Mairie de Valence, était empreinte d’une émotion particulière.
Ce 21 février 2024, étaient prévus au calendrier officiel : les 80 ans de ce funeste anniversaire, l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian, accompagné de sa femme Mélinée, avec la cérémonie officielle parisienne à la tombée de la nuit. À Valence, entre les discours et les chants, la lecture de la dernière lettre de Missak à Mélinée.
Deux élèves en Première Métiers de l’Accueil au lycée Amblard de Valence ont posé leur voix, tout en émotion, sur ces mots écrits il y 80 ans. Repérées pour leurs prestations au Concours de l’éloquence 2024, elles ont offert à l’assistance, nombreuse, un moment de grâce, tout en simplicité.
Merci à Mélanie Victor-Raphael et Funda Sengun.
Merci à leurs enseignants : Hafita Mellal, Sana Yakine et Pascal Rabilloud.
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Mont Valérien, le 21 février 1944,
Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés, cet après-midi, à quinze heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il mérite comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous...
J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi, à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre, tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération. Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie.
Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée, que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahi pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus.
Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent, je vous serre tous sur mon cœur.
Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel.
PS : J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène.