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Rencontre avec Antoine Agoudjian

Rencontre avec Antoine Agoudjian : un retour aux sources à l’occasion de cette nouvelle collaboration avec le photographe contemporain multi-primé, qui a été le premier artiste à exposer au Cpa en 2005.

Qui êtes-vous ?

J’appartiens à la troisième génération de descendants de rescapés arméniens, arrivés en France après le génocide perpétré par le gouvernement des Jeunes-Turcs en 1915. La dernière génération à avoir connu les témoins directs de cette tragédie. Depuis plus de 30 ans, je parcours les méandres de mon héritage mémoriel en quête d’instantanés saisissants que j’ai d’abord captés en noir et blanc. Mon travail ne repose pas exclusivement sur un accouchement introspectif puisé dans l’héritage de mon histoire ; il est par-dessus tout torturé par les fantômes qui peuplent ma mémoire.

Quel est votre parcours ?

Je me consacre depuis 1988 à la photographie. Ancien membre de l’agence Rapho, mes rencontres décisives, notamment avec Robert Doisneau et Robert Delpire, inscrivent mon travail dans le courant de la photographie humaniste. Mon travail en noir et blanc est dédiée à la mémoire de l’histoire du peuple arménien. Entre mémoire et histoire, j’intègre en 2015 la couleur dans ma quête, tout en restant fidèle à ma démarche initiale, marquant ainsi une rupture esthétique nourrie par les événements contemporains que je couvre désormais pour la presse magazine. Couvrant les lieux historiques de mon héritage mémoriel, j’ai constitué au fil du temps un ensemble d’images où l’Histoire, sa trace et son écho brisent le silence imposé. En 2011, j’ai été le premier photographe à exposer en Turquie, dans une importante galerie d’Istanbul, mon travail sur la mémoire des Arméniens. J’ai été parmi les dix nominés du prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre et ai reçu le 1er prix du public en 2017 et le Visa d’or CICR en 2020 pour mon travail dans le Haut-Kharabagh.

Votre actu du moment au Cpa ?

Dans l’exposition « L’Arménie du sacré à l’épreuve du temps » au Cpa, je livre aux visiteurs ma quête sur la mémoire des Arméniens. J’ai parcouru des milliers de kilomètres pour fouiller un à un les vestiges d’une histoire emmurée dans les abysses d’une conscience amnésique. J’en ressors des images qui convoquent en moi une mémoire enfouie, une émotion viscérale, comme un dialogue entre les pierres et les absents : le mont Ararat vu du ciel, l’archevêque d’Artsakh devant la basilique de Chouchi, ville occupée, symbole de la résistance arménienne, des visages d’enfants devant des vestiges architecturaux aujourd’hui en Turquie ou encore des portraits de familles fuyant l’Artsakh (Haut-Kharabagh) ... Des photographies en noir et blanc et en couleur, parfois inédites, où la présence humaine, les lieux et les visages portent la trace d’une mémoire à transmettre. Pour moi, c’est le cri du silence.

Quels sont vos projets futurs ?

Je poursuis mon engagement photographique à travers des publications régulières dans la presse magazine, des expositions en galeries et musées, et me consacre depuis janvier à la conception de mon prochain ouvrage, à paraître chez mon éditeur en 2026 ou 2027.